Éric s’essuie à peine et s’étend sur son lit, nu. Dans la pénombre de la chambre. Humide, dans le courant d’air de l’air climatisé dans l’espoir que cela puisse le rafraîchir. Couché sur le dos, les mains le long du corps sans le toucher, les jambes écartées, tentant d’exposer chaque parcelle de peau à l’air frais : il est calmé. Assez pour se dire qu’il ne partira pas. Pas aujourd’hui. Parce que dans quelques jours, pas si loin, il pourra aller visiter David en prison. Son heure.
Après presque deux ans passés en prison et bientôt quatre mois ici, « comme un moron » Éric se dit qu’il a encore du temps, qu’il peut passer des heures dans ce motel pour profiter de quelques minutes par semaine avec David. Dans leurs parloirs surveillés.
Quand on a juste une « solide poignée de main virile » pour se toucher. Pis nos genoux sous la table. C’est malade de penser ça, quand t’as juste tes genoux pour te toucher ! Quand on a tellement envie de se sauter dessus chacun de notre bord de la table que ça fait mal. Quand on est comme ça en face pis que j’ai envie qu’il me prenne. Comme avant, dans un coin, contre un mur. Ses mains sur moi. Sa queue dans moi.
C’est tout ce qu’ils ont, ces quelques minutes en face à face. Tout le monde le connaît leur couple. Tout le monde sait leur histoire. Un amour de prison c’est pas commun comme un amour de vacances. Mais ce n’est pas demain qu’ils auront le droit à leur « parloir conjugal ». Ni après-demain. Probablement jamais. Personne ne veut se garrocher pour changer les règles et proposer un parloir conjugal aux couples de même sexe. Il s’agirait d’une position politique, bien que trop risquée dans cet endroit conservateur.
Quand il va sortir, je vais être fripé comme une vieille guidoune. Il faudrait que je rentre. Encore. Que j’aille le rejoindre dedans. Si je pouvais être sûr qu’on soit ensemble ! Dans la même cellule, tous les deux. Estie que j’y retournerais en dedans ! J’ai juste lui ! Ben, y’a ma mère aussi. Mais c’est pas pareil une mère. C’est pas comme un besoin maintenant. De lui, je peux pas me sauver.